La pilosité chez les femmes, un sujet longtemps considéré comme personnel, est désormais un véritable thème de société, avec des mouvements qui dénoncent les tabous entourant la pilosité féminine.
Le retour des poils, signe d’émancipation féminine ?
De nos jours, de nombreux groupes de femmes militent contre les préjugés liés à la pilosité féminine, faisant du *« retour des poils »* un symbole de la libération des corps et une revendication féministe. Dans un contexte post-confinements, propice à un retour vers le naturel, un sondage mené par l’Ifop pour la plateforme Charles.co* a cherché à comprendre les pratiques d’épilation des Français(e)s et leur adhésion aux normes en matière de dépilation.
Diminution notable des pratiques d’épilation en France
Le sondage révèle une baisse significative des pratiques dépilatoires en France, tout en soulignant la persistance de stéréotypes de genre liant féminité à la peau lisse et masculinité à la pilosité. En l’espace de huit ans, la proportion de femmes ne s’épilant pas le pubis a doublé, passant de 15 % en 2013 à 28 % en 2021. Bien que les confinements aient favorisé cette évolution, la tendance était déjà perceptible avant la crise sanitaire.
En outre, l’enquête note une diminution marquée des pratiques d’épilation des aisselles (81 %, -10 points en huit ans), des jambes (80 %, -12 points) et du maillot (75 %, -10 points) chez les Françaises. Parallèlement, l’épilation intégrale chez les femmes a progressé, une pratique autrefois populaire chez les moins de 25 ans (56 %) mais qui s’est désormais étendue aux femmes de 25 à 34 ans (48 %, +22 points) et aux 35-49 ans (31 %, +20 points).
Malgré cela, la pression pour un corps sans poils pèse plus sur les femmes que sur les hommes. Seuls 21 % des hommes hétérosexuels préfèrent les pubis féminins naturels, soit deux fois moins que les femmes hétérosexuelles qui tolèrent la pilosité masculine (41 %).
Pilosité et impact du télétravail
Si toutes les femmes n’ont pas abandonné leurs rasoirs ou cires durant les confinements, ces périodes ont souvent entraîné un changement de rythme. Près d’une femme sur cinq (18 %) a déclaré s’épiler les aisselles, les jambes ou le maillot *« moins souvent qu’avant le premier confinement »*, un pourcentage qui grimpe à 34 % chez les moins de 25 ans et à 31 % chez les femmes en télétravail. Cela démontre que les pratiques dépilatoires sont largement influencées par la sociabilité et la perception d’autrui de l’apparence corporelle.
Vers une acceptation des poils ?
Au-delà de la dépilation, de plus en plus de femmes rejettent la pression liée à l’épilation. Une Française sur deux affirme qu’elle pourrait un jour arrêter de s’épiler le maillot (56 %) ou les jambes (58 %). Cependant, cet arrêt ne serait complet que pour une minorité : seules 19 % des femmes qui s’épilent le maillot envisagent de cesser cette pratique, même durant les périodes où les poils sont plus visibles (printemps, été).
Séduction et épilation : un lien toujours présent
Pour beaucoup, un corps lisse reste un symbole fort de féminité, même si cette norme perd du terrain. On observe une baisse de 17 points par rapport à 2013, signe que les discours prônant une plus grande acceptation de la pilosité féminine trouvent écho.
Le sondage brise aussi quelques idées reçues sur le désir masculin. Contrairement aux stéréotypes, la pilosité féminine ne constitue pas un frein pour la majorité des hommes. En effet, une large majorité d’hommes se disent prêts à avoir des relations avec une femme non épilée sous les aisselles (66 %), sur les jambes (61 %), ou même au niveau pubien (70 %).
Toutefois, la vue de poils sous les aisselles féminines reste quatre fois plus perturbante (57 %) que celle de poils masculins (15 %). De même, les jambes poilues chez une femme dérangent plus (57 %) qu’un dos poilu chez un homme (36 %).
Avis d’expert : François KRAUS
François KRAUS, directeur du pôle *« Genre, sexualités et santé sexuelle »* à l’Ifop, souligne que le combat contre la *« pilophobie »* se heurte aux standards esthétiques persistants, d’autant plus que la pilosité reste un marqueur de distinction entre les sexes.
Dans une société où la transgression des stéréotypes expose à des risques de stigmatisation, le relâchement des normes liées à l’épilation féminine ne peut être simplement vu comme une conséquence des confinements. Ce phénomène s’inscrit dans une tendance plus vaste, encouragée par des mouvements prônant un retour au naturel et une réappropriation corporelle.
Bien que ces changements semblent principalement motivés par des préoccupations de confort ou de santé plutôt que par des revendications féministes, il est indéniable qu’ils font écho aux transformations de la perception du corps initiées par les militants du body positivisme.
Cependant, ce recul de la culture anti-poils doit être nuancé. D’une part, les normes culturelles ne relâchent que modérément la pression à la dépilation, et d’autre part, les femmes issues de milieux précaires ou racisées peinent davantage à transgresser ces standards de beauté en raison des risques de sanctions sociales accrues. Enfin, cette évolution n’est pas uniforme, comme l’illustre la coexistence de tendances opposées entre l’épilation intégrale, associée à des considérations hygiéniques, et le *« No Shave »*, un retour au naturel qui témoigne de la diversité des pratiques en matière de pilosité intime.